Que s’est-il passé en Europe cette semaine ? (03.12 – 09.12)

L’Europe divisée sur le pacte migratoire de l’ONU, Theresa May en difficulté sur le Brexit, “AKK” nouvelle présidente de la CDU, restitution du patrimoine africain et COP 24 : les actualités européennes de la semaine.

ONU – Les États européens divisés sur le pacte migratoire, entre opposition politique et désinformation

Lundi 10 décembre, à Marrakech, la plupart des pays membres de l’Organisation des Nations Unies (ONU) vont signer un « pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. » Ce texte international suscite de vives oppositions en Europe, et est la cible de fausses informations circulant sur internet.

Ce pacte mondial propose des « ambitions communes » ainsi que 23 « objectifs » afin de donner une lecture positive des migrations. De plus, comme beaucoup de textes internationaux, il ne possède pas de portée contraignante pour les États. Il représente l’aboutissement de la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, votée à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations unis en décembre 2016. Selon l’Organisation internationale pour les migrations, le terme « migrant » désigne « toute personne qui, quittant son lieu de résidence habituelle, franchit ou a franchi une frontière internationale ou se déplace ou s’est déplacé à l’intérieur d’un État ». En 2018, on compte 258 millions de migrants dans le monde. Ce texte vise à promouvoir les droits de l’homme, en invitant les signataires à organiser l’intégration des migrants à la société, à favoriser l’échange culturel qui résulte des migrations, et à mener un travail d’information envers les sociétés sur le phénomène migratoire.

Cependant, ce pacte divise profondément les États européens. En ce sens, la Bulgarie, la Suisse, l’Autriche, la Slovaquie, la Pologne, la Tchéquie et l’Estonie ont décidé de ne pas participer à la conférence et de ne pas signer le pacte. En Belgique, ce pacte a provoqué l’explosion du gouvernement de coalition, les trois ministres du parti nationaliste flamand N-VA démissionnant. Cela pourrait plonger le pays dans une nouvelle crise politique. Emmanuel Macron ne sera finalement pas présent à Marrakech, déléguant la signature du pacte au secrétaire d’État aux affaires étrangères Jean-Baptiste Lemoyne. Ainsi, seuls deux tiers des 191 pays membres de l’ONU ont affirmé leur présence à Marrakech pour la signature du pacte.

De plus, ce pacte est la cible de campagnes de désinformation sur internet. Cette semaine, des rumeurs ont circulé affirmant que si la France signait ce pacte, elle passerait sous l’administration de l’ONU, ou bien qu’elle devra faire face à un flot incontrôlable d’immigrés sur son territoire. Ces propos ont été relayés sur Twitter par la présidente du Rassemblement National, Marine Le Pen.

Brexit – Theresa May toujours plus affaiblie avant le vote du 11 décembre

La crise politique et institutionnelle du Brexit se poursuit au Royaume-Uni. L’accord négocié avec l’Union européenne sera soumis au vote du Parlement britannique le mardi 11 décembre, actant la sortie du Royaume-Uni de l’Union. Cependant, Theresa May semble loin d’avoir la majorité nécessaire pour faire voter cet accord.

L’accord est loin de faire l’unanimité parmi la majorité des conservateurs : les partisans d’un Brexit « dur » contestent notamment le règlement de la frontière nord-irlandaise, ainsi que le maintient du Royaume-Uni dans l’orbite de l’Europe jusqu’à au moins 2021. Dans ces conditions, le député en ancien ministre Tory (conservateur) Mark Harper déclare : « Pour la première fois en treize ans, je ne peux pas soutenir mon parti. Les promesses doivent être tenues. »

Cette défiance envers le gouvernement s’est accentuée le mardi 4 décembre, lorsque le gouvernement a refusé de rendre intégralement public l’avis juridique sur l’accord du Brexit. En effet, les députés britanniques ont approuvé, par 311 voix contre 293, une motion d’« outrage au Parlement » contre le gouvernement. Ce vote est symbolique pour Theresa May : il permet en outre d’évaluer le nombre de soutien du gouvernement au sein du Parlement. Or, elle semble loin d’obtenir les 326 nécessaires pour approuver l’accord, puisque 229 députés soutiennent encore le gouvernement. À la crise politique s’ajoute la crise institutionnelle, puisque le corps législatif ne soutient plus le pouvoir exécutif.

Pour résoudre la crise, Theresa May a annoncé que les députés auraient un pouvoir renforcé afin d’avoir le dernier mot sur l’accord du Brexit. Néanmoins, la Première ministre apparait de plus en plus fragilisée avant le vote crucial du mardi 11 décembre.

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Allemagne – Annegret Kramp-Karrenbauer remplace Angela Merkel à la présidence de la CDU

Le vendredi 7 décembre, Annegret Kramp-Karrenbauer (surnommé « AKK ») a été élue à la présidence de la CDU, succédant à Angela Merkel. À 56 ans, elle s’est forgée une réputation par ses positions rigoureuses et fermes.

Nommée en 2000 ministre de l’intérieur de la Sarre, AKK se distingue par ses positions proches de la gauche sur le terrain social : elle est partisane du salaire minimum, se prononce pour l’instauration de quotas pour les femmes en politique, et soutien la politique d’accueil des réfugiés en 2015 au nom des valeurs chrétiennes. Ces positions progressistes ne l’empêchent pas de mener des politiques de fermeté : la Sarre est ainsi un des Länder expulsant, proportionnellement, le plus d’étrangers en situation irrégulière.

AKK souhaite poursuivre la politique menée par Angela Merkel au sein de la CDU. Elle a pourtant été élue de justesse : elle n’a battu son rival Friedrich Merz, proche d’un « conservatisme moderne » et qui prônait une ligne de rupture avec la chancelière, que de 35 voix, remportant l’élection avec 37,5% des voix. Pour Angela Merkel, cette victoire doit être un soulagement, elle qui a dû renoncer à briguer un nouveau mandat à la tête de la CDU suite au revers du parti dans les élections régionales dans la Hesse. Cette élection ouvre « l’après-Merkel » en Allemagne.

Restitution du patrimoine africain – La requête de la RDC à la Belgique relance les débats

Le vendredi 7 décembre, le président de la République démocratique du Congo (RDC) Joseph Kabila a expliqué qu’une requête officielle à la Belgique serait effectuée afin de parvenir à la restitution du patrimoine congolais. Dans le quotidien belge Le Soir, le président congolais affirme qu’une fois la construction du musée du Boulevard Triomphal sera achevé, le gouvernement enverra une requête à la Belgique afin de récupérer des documents d’archives et des œuvres culturelles et artistiques.

Cette demande officielle s’ancre dans la dynamique menée depuis les années 1970, dans laquelle nombre d’États africains revendiquent la restitution de leur patrimoine culturel et artistique face aux puissances colonisatrices. Au Congo, ces œuvres ont été enlevées, entre autres, par la France et la Belgique lors de la colonisation du territoire au XXe siècle : selon Bénédicte Savoy, professeure au Collège de France, on compte dans l’AfricaMuseum de Belgique 180 000 oeuvres d’origine africaine, dont la plupart viennent du bassin du Congo. De plus, au musée du Quai Branly de Paris sont conservées 70 000 pièces venus d’Afrique sub-saharienne. Quant aux États africains, leurs plus grandes collections sont composées de 3 000 à 5 000 objets. « C’est ce déséquilibre-là qui a mené notre démarche », affirme-t-elle.

Le débat s’est accéléré fin novembre 2018, lorsque Benedicte Savoy et l’essayiste sénégalais Felwine Sarr ont publié le rapport Savoy-Sarr, portant sur la restitution des biens culturels africains. Ce rapport vise par exemple la transformation du cadre juridique de la restitution des œuvres d’art.

Le 5 décembre, une première œuvre est de retour à Dakar après un exil d’au moins trente ans. Il s’agit d’un masque-heaume Mende, originaire de Sierra Leone, qui a trouvé sa place au musée Théodore Monod d’art africain.

Lire aussi >>> Union européenne – Union africaine : “Si tu veux aller vite, marche seul mais si tu veux aller loin, marchons ensemble”

COP 24 – Quelle concrétisation des accords de Paris ?

La COP 24 se tient à Katowice, en Pologne, du 3 au 14 décembre. Elle a pour principal objectif de concrétiser les Accords de Paris, signés en 2015, qui prévoyait contenir la cause des températures à + 2°C. Néanmoins, de nombreux efforts restent à faire pour réduire les conséquences du changement climatique et parvenir à un accord entre les 200 pays signataires.

Le contexte international est bien plus trouble qu’en 2015, ce qui rend l’engagement des États difficile. En 2017, Donald Trump a annoncé le retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat. De plus, le nouveau président du Brésil Jair Bolsonaro, fervent climato-sceptique, a refusé d’accueillir comme prévu la COP25 en 2019. Enfin, la plupart des États signataires ne respectent pas les engagements qu’ils s’étaient eux même fixés en amont de la COP21. Selon le Centre for Climate Change Economics and Policy (CCCEP), seulement 17 Etats respecteraient leurs engagements, dont trois européens : la Macédoine, le Monténégro et la Norvège.

Pourtant, nombre de rapports scientifiques publiés en 2018 rappellent l’urgence de la prise en charge du changement climatique. Par exemple, le rapport GIEC affirme que si rien n’est fait pour infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre, la température pourrait augmenter de 5,5°C en 2100, ce qui aura des conséquences dévastatrices sur l’activité humaine et la biodiversité.

Crédit photo : CDU/Tobias Koch

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