Que s’est-il passé en Europe cette semaine ? (15.03 – 22.03.20)

Réunion de l’Eurogroupe, aide financière de la Banque centrale européenne… : les défis économiques européens posés par le COVID-19.

 

  Une situation pire que la crise financière de 2008

Les confinements et les fermetures de magasins à travers l’Europe mettent l’économie sous pression. Les analystes estiment que ce ralentissement économique est pire que la crise financière d’il y a dix ans. Et malgré des taux d’intérêt tirés vers le bas par la BCE (pour favoriser l’emprunt et stimuler l’économie), l’inquiétude persiste.

L’idée générale derrière les mesures à adopter : apporter les provisions de liquidités suffisantes pour financer le crédit et l’économie réelle et éviter une fragmentation des économies et marchés financiers européens.  Ultime preuve du volontarisme des institutions et organes économico-politiques de l’UE : la Banque Centrale européenne et ses 750 milliards d’euros mobilisés pour répondre à cette crise.

 

“Il n’y a pas de limites à notre engagement envers l’euro”, Christine Lagarde.

« Les temps extraordinaires nécessitent une action extraordinaire », peut-on lire sur le compte Twitter de la Présidente de la BCE Christine Lagarde qui annonce un plan de 750 milliards d’euros.

Il se nomme pour l’instant le “programme de rachat d’urgence face à la pandémie“. La BCE va intervenir sur les marchés via des rachats de dette publique comme privée à hauteur de 750 milliards d’euros d’ici la fin de l’année précise l’institution.

La BCE espère soulager les banques et les inciter à maintenir sinon relancer les prêts qu’elles accordent aux ménages et entreprises. La production et l’emploi seraient soutenus dans un contexte où de nombreuses sociétés sont obligées de suspendre leurs activités face au virus et où certaines entreprises seront bientôt menacées de faillite.

 

Calmer les tensions sur la dette

Le journal Le Point indique qu’entre mars 2015 et décembre 2018, face aux risques de déflation, la BCE avait  déjà acheté des titres sur les marchés financiers pour un total final de 2 600 milliards d’euros pour soutenir la zone euro. C’est ce que l’on appelle le « QE » en anglais quantitative easing ou assouplissement quantitatif  qui représentait environ l’émission de 80 milliards d’euros par mois. Aujourd’hui la BCE va encore plus loin face au coronavirus.

Depuis fin 2019 et dans le contexte actuel,  les interventions de la BCE s’élèveront à 1,050 milliards d’euros sur les mois restants en 2020, soit à peu près 117 milliards d’euros engagés par mois. Un record.

Mais la BCE est-elle seule à agir ? Quid de la Commission, des états, de l’Eurogroupe ?

 

  Réponses coordonnées?

Le lundi 16 mars, les ministres de l’économie et des finances se sont réunis par visioconférence pour aborder les défis auxquels doivent répondre l’Union européenne.

Petit rappel : l’Eurogroupe ne doit pas être confondu avec le conseil dit « ECOFIN » soit la réunion des ministres de l’économie et des finances au Conseil de l’Union européenne qui est une instance institutionnalisée. L’Eurogroupe quant à lui est un organe informel qui prépare la réunion ECOFIN. Sa tâche principale est d’assurer une coordination étroite des politiques économiques entre les États membres de la zone euro.

« Nous protégerons nos citoyens et notre monnaie, quoi qu’il arrive et par tous les moyens dont nous disposons. Notre détermination à apporter un soutien en cette période de besoin est absolue. » a déclaré le portugais Mário Centeno, président de l’Eurogroupe. Le président concède aussi que l’économie de l’UE est en situation d’urgence immédiate et pourrait être affectée durablement. Une réponse coordonnée entre organes, institutions de l’UE et états-membres est nécessaire.

  •       Au niveau des états, la réunion de l’Eurogroupe a été l’occasion pour les ministres de mieux coordonner leur action afin de soutenir les systèmes de santés nationaux. Les États membres vont aussi garantir des liquidités pour aider directement les entreprises, les travailleurs et les ménages. Les réunions de l’Eurogroupe sont l’occasion de fournir une réponse cohérente et coordonnée en tenant compte des circonstances des données propres à chaque état. Le président de l’Eurogroupe va jusqu’à parler de «taylor-made solution » ou solution cousue-main.  L’Espagne a ainsi annoncé une batterie de mesures de 200 milliards d’euros. Le Président Macron a assuré, jeudi 12 mars, que l’État protégerait les salariés et les entreprises “quoiqu’il en coûte” et débloque un plan d’aide de 45 milliards d’euros.
  •       Au niveau européen, les institutions vont agir en complément des mesures nationales. L’Eurogroupe a fait savoir qu’au-delà des initiatives qui visent à contenir et traiter le virus, l’instance assure qu’elle injectera des liquidités pour soutenir les économies européennes.

Monsieur Centeno indique que le soutien de l’Eurogroupe se caractérisera par des aides financières à hauteur de 65 milliards d’euros afin de soutenir les systèmes de santé, les PMEs et le marché du travail d’une part et alimenter les fonds structurels (destinés aux régions de l’UE) d’autre part. Ces sommes seront destinées à combler les dépenses publiques mobilisées durant la période de crise.

D’autres institutions européennes viennent agir en complément. La Banque Centrale européenne et la Commission mobilisent 8 milliards d’euros en prêts pour les fonds de roulement.

Ils sont accordés à des entreprises qui subissent une baisse d’activité temporaire afin de donner un coup de pouce à leur trésorerie. C’est en fait une alternative au crédit bancaire classique qui peut permettre de reprendre le contrôle de la situation financière assez rapidement de sa structure. Dans les faits, les institutions garantissent les crédits bancaires des PMEs.  Et si cela ne suffit pas, le président de l’Eurogroupe a ajouté « nous accueillons aussi les efforts en cours en prévoyant d’augmenter notre soutien aux fonds de roulement à 20 milliards ». En tout dernier lieu, la Commission envisage aussi la création d’obligations européennes destinées à financer la relance économique. Autre piste: la possibilité d’utiliser le Mécanisme européen de stabilité, doté de 410 milliards d’euros.

Cependant, certains observateurs, dont le correspondant à Bruxelles Jean Quatremer, indiquent que ces décisions interviennent bien trop tôt. On ne finance pas la relance en pleine crise puisque par définition nous n’en connaissons pas l’étendue. Difficile donc d’imaginer des mécanismes de relance de l’économie pour l’instant.

 

Il semble que quand bien même il n’existe pas de gouvernement économique de l’UE, le système actuellement en place en présente certains aspects.

 

Critiques : On peut aussi avancer qu’au contraire, les réponses ne sont pas si coordonnées qu’il n’y paraît. Jean Quatremer, correspondant à Bruxelles indique que déjà lors du sommet des chefs d’États et de gouvernements du 10 mars, qui appelait pourtant à une «approche commune», rien n’a empêché dès le lendemain la multiplication de mesures nationales parfaitement incohérentes.

Jean Quatremer indique : « Chacun agissant comme si l’Union n’existait pas : fermeture des frontières intérieures de l’Union d’intensité variable, mesures sanitaires désordonnées, du laisser-faire au confinement général, plans de soutien à l’économie non coordonnés. D’où la réunion de mardi soir (17 mars) destinée à essayer de remettre un peu d’ordre». 

Quand la crise sanitaire du COVID-19 profite à l’environnement

Euronews souligne le 19 mars 2020 que la crise sanitaire du COVID-19 a engendré un peu partout en Europe une politique de confinement. De manière mécanique, il semble que la baisse de l’activité humaine (activités de production et de transport notamment) profite à l’environnement.

Euronews choisit de mettre en avant le cas de Venise. Les embarcations qui circulent sans arrêt sur les canaux et la lagune ne le sillonnent plus. Seuls les bateaux de la police ou des services hospitaliers y sont autorisés. Il n’y a plus non plus de plastique dans l’eau, résultat de la négligence des touristes. Par conséquence, l’eau des canaux de Venise est redevenue limpide, après dix jours sans touristes, empêchés de venir passer de beaux jours vénitiens du fait de la pandémie liée au coronavirus.

Chose non observée depuis fort longtemps, des poissons qui nagent tranquillement et autres animaux de la faune de l’écosystème de la lagune vénitienne  viennent se nourrir dans Venise.

Au-delà de l’image bucolique, les effets positifs de la baisse de l’activité humaine sur l’environnement se manifestent aussi par l’amélioration de la qualité de l’air dans le Nord de l’Italie. Selon les données présentées par Copernicus (service européen d’observations satellitaires), les taux de dioxyde d’azote à Milan ont chuté d’environ 65 mg/m3 en janvier à 35 mg/m3 lors de la première quinzaine de mars.

Les observations « indiquent une tendance à une réduction graduelle d’environ 10 % par semaine au cours des quatre à cinq dernières semaines », indique Copernicus dans un communiqué.

Le dioxyde d’azote est présent dans l’air du fait de l’activité de transport urbain (véhicules et centrales thermiques) et peut causer des problèmes respiratoires. Selon l’Agence européenne de l’environnement sur la qualité de l’air, le dioxyde d’azote est responsable de 68.000 décès prématurés par an dans l’Union européenne.

  Une bonne nouvelle en trompe l’œil

Cependant, si les avions, voitures, camions, industries sont à l’arrêt ou presque, la consommation internet et de télécommunication augmente dans le contexte du confinement. Donc les nouvelles ne sont peut-être pas si bonnes. Par exemple, l’impact du streaming sur l’environnement n’est plus à démontrer. Selon un rapport du Shift Project, think-tank écologiste, le visionnage de vidéos en ligne a généré en 2018 plus de 300 millions de tonnes de CO2, soit autant de gaz à effet de serre que l’Espagne…

Ainsi, si vous souhaitez contribuer à l’amélioration de la situation climatique là où vous vous trouvez, jeux vidéos en ligne, Netflix et navigation effrénée sur le net sont à limiter.

« Le jour d’après ne sera pas un retour au jour d’avant », déclarait Emmanuel Macron lors de sa dernière intervention du lundi 16 mars. Peut-être la déclaration pourrait-elle s’appliquer à l’activité de consommation de tout un chacun.

Dans son dernier édito, Jacques Attali déclare : «Chaque épidémie majeure, depuis mille ans, a conduit à des changements essentiels dans l’organisation politique des nations, et dans la culture qui sous-tendait cette organisation ».

 

L’actualité de la semaine constituera peut-être pour certain(e)s l’occasion de s’interroger sur nos valeurs et l’évolution du modèle culturel qui sous-tend nos modes de vie.

 

Benjamin Dagot

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Benjamin Dagot

Étudiant de master à l'Institut d'Études Européennes de la Sorbonne Nouvelle, j'ai plaisir à publier des articles et revues de presse à caractère économico-politique pour notre journal dédié aux questions européennes : Eurosorbonne.

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