Que s’est-il passé en Europe cette semaine? (Du 6 au 12 mars)

Articles par Shana De Sousa.

La Commission européenne préconise un retour à la rigueur budgétaire

Après trois années de souplesse en matière de politique budgétaire, la Commission européenne a demandé ce mercredi 8 mars aux Etats-membres de l’Union européenne de préparer leurs budgets en vue d’un retour aux restrictions budgétaires européennes. Elle a dès lors émis une série de recommandations pour éviter l’approfondissement des déficits des pays-membres de l’Union.

Cette décision fait suite à la suspension des règles budgétaires européennes liées au Pacte de stabilité et de croissance (PSC) depuis le début de la pandémie de Covid-19 en 2020, afin d’éviter un effondrement des économies européennes. Cette politique s’est poursuivie dans un contexte d’invasion russe en Ukraine et de forte inflation au sein des pays européens. Ainsi, l’Union n’a exceptionnellement sanctionné aucun gouvernement contrevenant aux règles budgétaires, afin que ces derniers puissent injecter de l’argent et mettre en œuvre des politiques de soutien des ménages et des entreprises européennes.

Or, la Commission souhaite arriver au terme de cette suspension et aspire à rétablir dès janvier 2024 les règles du PSC. En effet, les mesures de soutien ont conduit à une forte hausse des déficits budgétaires et de la dette publique des Etats-membres de l’Union. En outre, la Commission estime que les mesures introduites par les pays européens pour protéger les ménages et les entreprises représentaient près de 200 milliards d’euros de dépenses. Cette décision dépendra cependant de la rapidité avec laquelle les Etats-membres de l’UE s’accorderont sur une proposition de réforme relative à l’élaboration des différents budgets nationaux. Cela impliquerait une supervision plus stricte des pays ne respectant pas les règles budgétaires en matière de déficit et de dette publique. Dans le cas contraire, la Commission serait habilitée à retirer les fonds de cohésion et à infliger des sanctions financières aux gouvernements contrevenants.

Si la Commission prône un retour à la prudence budgétaire et à une réduction des mesures de soutien, l’incertitude plane toujours sur l’ensemble de l’Europe. Si la pandémie de Covid-19 s’est calmée, l’invasion russe en Ukraine continue de perturber les marchés et les prix internationaux : dès lors, un certain nombre de pays européens demeurent confrontés à des phénomènes inflationnistes. Dans ce contexte, l’Union européenne prévoit de formuler des recommandations spécifiques à chaque Etat-membre à partir de mai 2023.

 

La mobilisation historique des Géorgiens pousse le gouvernement à retirer un projet de loi antidémocratique

Des dizaines de milliers de Géorgiens ont protesté jeudi 9 mars contre un projet de loi antidémocratique fortement contesté, dénonçant une tendance autoritaire semblable au modèle russe.

Ancien membre de l’URSS, la Géorgie est une petite République du Caucase aujourd’hui confrontée à une régression démocratique et aux retombées de l’invasion russe en Ukraine. Les manifestations témoignent de la crise politique qui secoue le pays depuis plusieurs années, alors que la Géorgie aspire à rejoindre l’Union européenne à l’avenir.

Les manifestants ont fait reculer le gouvernement et le Parlement, qui a révoqué d’un projet de loi contre les « agents de l’étranger ». Ce projet de loi avait pour objectif d’inscrire officiellement tout média ou organisation dont plus de 20% du financement provenait de fonds extérieurs en tant qu’« agents de l’étranger ». En outre, cette loi symbolisait un recul en termes d’État de droit en Géorgie, entravant l’ambition européenne du pays, et s’est vu comparée par ses opposants à un texte similaire en vigueur en Russie, lequel vise à faire taire ONG, médias et opposants au régime.

Ce retrait a été célébré par des centaines de personnes devant le Parlement géorgien, brandissant le drapeau du pays ainsi que des pancartes proclamant « Nous sommes l’Europe ». Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, avait notamment exprimé son opposition au projet de loi, le considérant comme « incompatible avec les valeurs de l’UE ». Cette révocation a été soutenue par plusieurs Etats-membres de l’Union, notamment l’Allemagne, dont le président Frank Walter Steinmeir a déclaré son soutien à la Géorgie sur « le chemin de l’Europe ». La population de Géorgie est en effet largement favorable à une adhésion future à l’UE avec près de 80% des Géorgiens souhaitant que leur pays rejoigne l’Union.

La Russie considère quant à elle la révocation du projet de loi géorgien comme une tentative de coup d’Etat occidental dirigé par des forces étrangères, ainsi qu’une ingérence américaine visant à attiser un sentiment antirusse dans le pays. Il convient de noter que les troupes russes occupent actuellement 20% du territoire de la Géorgie depuis leur intervention en 2008.

 

 

Vers un renforcement du blocage autour de l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN ?

Confrontés aux volontés impérialistes russes en Ukraine, la Finlande et la Suède ont demandé d’intégrer l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord mercredi 18 mai 2022. Cette initiative est historique, sachant la neutralité qui a marqué les pays scandinaves durant toute la Guerre Froide. Néanmoins, Recep Tayyip Erdogan, président de la Turquie, n’a cessé d’imposer son veto. La Turquie cherche certainement des contreparties en échange de son accord, par exemple la levée du refus des Etats-Unis de leur vendre des F-35 – le puissant avion de combat américain -, mais surtout considère l’alliance réaliste avec la Russie d’un bon œil. En effet, l’OTAN était initialement prévue comme un outil d’endiguement de l’URSS. Son élargissement depuis la fin du bloc soviétique vers les pays de l’Est a accentué l’obsession obsidionale de Poutine, qui cherche à maintenir une ‘’chambre à air’’ autour de son étranger proche. La position d’Ankara s’est durcie le 22 janvier 2023 lorsqu’un manifestant suédois a brulé un exemplaire du Coran devant l’ambassade turque à Stockholm.

La Hongrie qui jusque-là était restée silencieuse malgré la proximité de son premier ministre, Victor Orban, avec Moscou, commence à jouer de son pouvoir pour réclamer la fin des critiques européennes à l’égard du non-respect hongrois à l’Etat de droit. Budapest aimerait notamment se voir traiter avec « plus de respect » de la part de la Suède et de la Finlande, mais aussi de l’Union européenne, comme le souligne Csaba Hende, un député du Fidesz, mardi 7 mars 2023 après une réunion avec le président du Parlement suédois à Stockholm.

Si les deux pays était censé intégrer l’OTAN au même moment, on remarque que la Finlande semble plus avancée dans le processus d’adhésion. Malgré l’attente que font peser la Hongrie et la Turquie sur l’adhésion, mercredi 1 mars 2023, le Parlement finlandais a approuvé par avance l’entrée de la Finlande à l’OTAN à la différence de son voisin suédois confronté au véto turc.

La question de l’OTAN est problématique pour l’Union européenne qui est encore inefficace sur le plan géopolitique. Face à la Russie, les membres de l’UE, notamment les pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO), font davantage confiance à l’atlantisme qu’à l’Europe. Dès le début du millénaire, le premier réflexe des pays de l’Est a été d’intégrer l’OTAN avant l’UE. Il semble que le même schéma se reproduise à nouveau, cette fois-ci pour les des deux pays scandinaves.

La difficile normalisation des tensions entre la Serbie et le Kosovo

Le Kosovo est une ancienne province serbe dont l’indépendance proclamée en 2008, une décennie après la guerre meurtrière entre forces serbes et rebelles albanais, n’a jamais été reconnue par Belgrade. Cependant, elle est majoritairement peuplée d’Albanais (65,8%), les serbo-croates étant minoritaires (26%). Les tensions montent régulièrement entre ces deux peuples, et chaque prétexte est bon pour entrer dans le rapport de force, poussé d’un côté par l’Albanie qui désire intégrer ce territoire à sa zone d’influence et de l’autre par la Serbie qui souhaite conserver la mainmise sur cette province ; et les dernières semaines de 2022 n’ont pas fait défaut. L’épisode des barricades de décembre 2022 a fait plonger la zone au bord du conflit armé. La situation est complexe pour le Kosovo qui a officiellement demandé le 15 décembre l’adhésion à l’Union européenne, mais dont l’indépendance n’est pas reconnue par six de ses Etats membres. L’apaisement des tensions avec la Serbie est la condition minimale pour commencer officiellement les négociations.

Comme résolution pour l’année 2023, les deux parties du conflit ont négocié depuis un accord historique en vue de faire cesser les tensions, censé être signé le 27 février. Cependant, il a été repoussé au 18 mars à cause du refus serbe. Les négociations ont repris officiellement en début de semaine. Le point de tension majeur concerne les populations serbes du Kosovo. La Serbie souhaite leur indépendance, alors que le premier ministre kosovar, Albin Kurti, se prononce, vendredi 10 mars 2023, en faveur d’une autonomie encadrée par la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Le respect de cette Convention est d’autant plus important que les massacres ethniques sont la source de grandes tensions dans la région.

Pour l’Union européenne, l’enjeu de cet accord visant à normaliser les relations entre Belgrade et Pristina est double. D’une part, il donnerait un coup de pouce aux ambitions de l’UE de devenir un acteur géopolitique plus important et d’autre part, il réduirait le risque d’un regain de violence entre les deux anciens ennemis des Balkans.

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