Que s’est-il passé en Europe cette semaine? (Du 3 au 9 avril)

Articles par Marjorie Cioco et Luana Humblot

Kosovo: l’ancien président Hashim Thaçi jugé pour crimes contre l’humanité 

Lundi 3 avril, le procès de l’ex-président du Kosovo Hashim Thaçi s’est ouvert à La Haye. Il est accusé de crimes de guerre et crimes contre l’humanité réalisés contre les forces serbes pendant la guerre d’indépendance de 1998 et 1999. Le Tribunal spécial pour le Kosovo est le juge de ce procès. C’est une instance de droit kosovar composée de juges internationaux qui sont chargés d’enquêter sur les crimes commis par l’Armée de libération du Kosovo (UCK) pendant et après le conflit de 1998-1999.

 

Hashim Thaçi, surnommé “Le Serpent” à cause de ses crimes, a créé l’Armée de libération du Kosovo dans les années 1990 avec laquelle il prépare des attentats contre les autorités serbes. La guerre du Kosovo commence en 1998, opposant la guérilla indépendantiste kosovare albanaise et les forces serbes de Slobodan Milosevic, et faisant plus de 13 000 morts. La guerre s’est terminée par le retrait des forces serbes. Il fait partie des fondateurs du Parti Démocratique du Kosovo par lequel il se proclame ensuite premier ministre du gouvernement provisoire, soutenu par l’OTAN mais pas par la Serbie. Il proclame l’indépendance du Kosovo en 2008, lui permettant d’acquérir le surnom de “Georges Washington du Kosovo” par Joe Biden, vice-président des Etats-Unis à ce moment-là.  Il devient ministre des affaires étrangères en 2014 puis président de la République en 2016. En 2020, il est inculpé avec trois autres suspects, et il est transféré à un centre de détention à La Haye. Ils auraient commandités des emprisonnements, meurtres, tortures entre mars 1998 et septembre 1999 contre les Serbes et des Roms mais aussi des opposants kosovars à la guérilla. Après son inculpation, Hashim Thaçi a démissionné de la présidence, se déclarant non coupable. A l’ouverture du procès ce lundi, il déclare de nouveau: “Je ne suis absolument pas coupable”.

De plus, l’ancien président est considéré par certains comme un héros de la guérilla, comme un des négociateurs de paix après la guerre grâce au soutien qu’il a pu avoir par le camp occidental. Thaçi accuse la justice internationale de “réécrire l’histoire”. La plupart des habitants du Kosovo considèrent le conflit comme “une guerre juste” contre les forces de Belgrade, leur ayant permis d’obtenir l’indépendance. La Serbie n’a par ailleurs jamais reconnu cette indépendance. Des manifestants en faveur de sa libération se sont donc réunis à La Haye pour afficher leur soutien.

Ce procès pourrait enfin permettre aux victimes de la guerre du Kosovo de comprendre ce qu’il s’est passé pendant cette année meurtrière.

Italie: une proposition de loi visant à interdire les mots étrangers 

Fabio Rampelli, député de Frères d’Italie, le parti d’extrême droite de la première ministre italienne Giorgia Meloni, a présenté un projet de loi visant à retirer les anglicismes et plus particulièrement l’utilisation des mots étrangers. Elle consiste à retirer l’usage de langues étrangères dans les documents et communications officiels, insistant pour que les mots étrangers soient soit traduits, soit supprimés.

La loi a été déposée dans une optique de sauvegarde de la langue italienne et de défense identitaireselon le vice-président de la chambre des députés Fabio Rampelli. Elle vise toutes les langues dont l’anglais qui d’après le texte, “humilie la langue italienne”. Si la loi passe, le fait de ne pas utiliser l’italien pour la promotion et utilisation des biens et services sur le territoire national sera passible d’une amende de 5 000 à 100 000 euros d’amende selon la CNN.

La loi est sujette à des controverses et fait polémique. Le projet cible les institutions, administrations et entreprises, ce qui signifie que dans l’enseignement par exemple, tous les cours devront être dispensés en italien sauf ceux des langues étrangères. Pour l’opposition, les amendes sont beaucoup trop grandes et rendent le projet de loi exubérant, considérant que les sanctions pour une telle loi seraient inutiles.

Ce projet de loi rappelle les mots de l’ancienne candidate à la présidentielle 2022 Marine Le Pen, qui avait suggéré d’interdire les mots étrangers dans la publicité. Cela montre la proximité des partis d’extrême droite français et italien sur certains points de leurs programmes.

L’Inde : un nouveau marché qui attire

Selon les sources onusiennes ou sur celle de la World Population Review, spécialisée dans la démographie, l’Inde “est-ou sera très bientôt – le pays le plus peuplé du monde”. Habitée par plus de 1,4 milliards de personnes, l’Inde vient se placer devant la Chine qui connaît pour la première fois depuis plus de 60 ans, une baisse de sa population.

En parallèle de cette augmentation, l’Inde connaît également une forte croissance. Au cours de l’exercice 2021-22, le pays de 1,4 milliard d’habitants a été la grande économie à la croissance la plus rapide, à 8,7%, nous rappelle Le Figaro. Cet effort se prolonge et se traduit notamment par un maintien du taux directeur de la Banque Centrale d’Inde (RBI) à 6,5%, «la guerre contre l’inflation» depuis mai 2022. Cette décision a surpris les marchés financiers qui s’attendaient à une augmentation du taux à la suite des récentes augmentations de la FED aux Etats-Unis, de la BCE et de la Banque d’Angleterre. En effet, le gouverneur de la RBI, Shaktikanta Das, a déclaré mercredi 5 avril que l’Inde assistait à «[…] à une incertitude sans précédent en termes de géopolitique, d’activité économique, de pressions sur les prix et les marchés financiers» en raison de la crise engendrée par la Covid-19 et l’augmentation des prix des matières premières suite à la guerre en Ukraine. Pour lutter contre cette inflation et stabiliser l’économie du pays sans le plonger dans une paralysie financière, Shaktikanta Das, a jugé bon de maintenir les taux directeurs à 6,5%.

Bien que cette richesse ne soit pas également partagée en Inde, puisque le taux de chômage ne cesse d’augmenter et l’emploi des femmes a chuté à 19%, écrit Virginie Lepetit, cette croissance rapide attire les pays occidentaux en dépit de l’extrémisme du gouvernement Modi. En effet, le Financial times annonce même que “le Fonds monétaire international (FMI) prévoit pour l’Inde une croissance économique de 6,1 % en 2023 – l’un des taux les plus élevés parmi les puissances économiques – et de 6,8 % en 2024”, rappelle le Financial Times” ; une croissance qui rend l’Inde toujours plus attrayante à l’International.

De plus, par sa position face à la Chine et son rôle dans la gouvernance du G20, l’Inde est devenue un allié stratégique pour l’Europe et les Etats-Unis qui se sont empressés de conclure des accords commerciaux avec celle-ci notamment avec Airbus et Boeing.

Visite du duo européen E.Macron et U. Von der Leyen à Pékin!

Alors que la présidente Taïwanaise, Tsai Ing-wen rencontrait mercredi le président de la chambre des représentants des Etats-Unis, McCarthy, le Président Emmanuel Macron s’est déplacé à Pékin le même jour afin d’aborder avec la Chine, les problématiques liées à la guerre de l’Ukraine.

Depuis quelques semaines, la Chine s’est officiellement présentée comme acteur de “paix” dans la résolution de cette guerre, sans jamais condamner l’action de la Russie. Ce positionnement a largement inquiété l’Europe qui voyait dans cette déclaration une façon de se positionner en tant qu’allié de la Russie. Au cours de cette visite d’Etat, Emmanuel Macron “espère dissuader Xi Jinping de soutenir l’incursion russe en Ukraine tout en développant les relations commerciales européennes avec Pékin”, résume The Guardian. La capitale française estime que l’intervention de la Chine pourrait drastiquement changer le cours de la guerre si elle venait à fournir des armes au Kremlin. En compagnie de la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, ce duo européen a pour objectif pendant trois jours de prier Xi Jinping de ramener la Russie à la raison (E.Macron).

C’est la première fois, depuis 2019, que le président Français se déplace en Chine alors que les tensions sont toujours plus grandissantes entre la paralysie des échanges provoqués par la guerre, la crise sanitaire et la multiplication des contentieux. Par exemple, Ursula von der Leyen avait prononcé le 30 mars lors d’un discours « La manière dont la Chine continuera de réagir face à la guerre menée par Poutine sera un facteur déterminant de l’avenir des relations entre l’UE et la Chine », renforçant de facto les tensions entre Pékin et l’Union Européenne. Elle réitère ses propos ce jeudi 6 avril en annonçant que l’armement de la Russie par la Chine “heurterait significativement” sa relation avec l’UE. Elle a également réaffirmé sa position derrière le plan de paix du Président ukrainien Volodymyr Zelensky en soutenant que l’armement de “l’agresseur [par la Chine] est une violation claire du droit international”. Ainsi, l’enjeu de cette visite est fondamental pour la poursuite de la guerre en Europe et les relations sino-européennes puisque la Chine, en tant que membre du conseil de l’ONU, possède une grande responsabilité d’utiliser son influence dans la relation amicale qu’elle entretient avec la Russie depuis des dizaines d’années.

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