Articles par Marjorie Cioco, Eva Mic, Laetitia Rambour Mertens et Eliette Pellissier de Féligonde
Union européenne et environnement: un pas en avant, trois pas en arrière?
Le mercredi 22 novembre, le règlement pesticides a été rejeté au Parlement européen à 299 voix. Ce règlement visait à réduire l’utilisation de pesticides et les rendre plus sûrs à 50%, ainsi que réduire l’utilisation de produits jugés dangereux à plus de 65%. Le Parti populaire européen, c’est-à-dire la droite européenne, et les syndicats agricoles se sont grandement opposés au texte, le jugeant trop contraignant. Ils ont donc rédigé beaucoup d’amendements incitant les partis de gauche à finalement rejeter le texte.
Manon Aubry (LFI) a déclaré: «Ils sont en train de tuer tout le “Green Deal”. Les lobbies plutôt que la santé et l’environnement. Sentiment de dégoût». Les députés de gauche et écologistes ont réagi sur les réseaux sociaux en montrant leur déception vis-à -vis du vote. Ce jour a également été qualifié de “jour noir de l’environnement” par la rapporteuse écologiste du règlement sur les pesticides Sarah Wiener. Il y a de grandes chances que le vote soit reporté à après les élections de juin 2024.
Cependant, le 17 novembre a été prise la décision que l’Union européenne ne pourrait plus exporter ses déchets hors de l’OCDE d’ici 2026. Cet amendement constitue donc une avancée de lutte contre la pollution. Cet accord “témoigne de notre engagement commun à assumer la responsabilité de nos défis en matière de déchets, plutôt que d’exporter nos problèmes à l’étranger”, d’après Virginijus Sinkevičius, Commissaire à l’environnement, aux océans et à la pêche dans un communiqué de la Commission européenne. En effet, un accord a été trouvé entre les Etats membres et les eurodéputés pour fixer un nouveau règlement qui responsabiliserait l’UE sur le traitement de ses déchets, qui les dirigeait vers d’autres pays. A ce sujet, les pays pourront continuer d’exporter vers la Turquie, si le pays répond aux capacités de traitement et si les déchets sont autre que du plastique. De plus, le règlement prévoit également des procédures numérisées afin de faciliter l’exportation. L’Union européenne affirme qu’il y a une avancée dans les décisions environnementales, avis non partagé par les ONG. Celles-ci pointent du doigt la stagnation des discussions le 19 novembre pour un traité contre la pollution plastique. Les 175 pays réunis n’ont pas trouvé d’accord. Selon les ONG, la pression des lobbies freine les accords entre les pays.
Il faudra attendre fin 2024 pour un nouvel accord, car deux autres sessions de discussions sont prévues pour l’année prochaine.
En Russie : Vladimir Poutine (encore) candidat en 2024.
Le président russe s’est déclaré ce vendredi (8/12) candidat à l’élection présidentielle de mars 2024. Mettant fin à un suspens – assez limité – Vladimir Poutine a déclaré au détour d’une conversation que « le temps est venu de prendre cette décision » même s’il aurait « eu des idées différentes à différentes époques ». Alors que les médias russes le décrivent comme un homme modeste et occupé, le journal Le Monde explique ce ton discret par la volonté d’être perçu comme le choix évident de l’élection.
Il se présente ainsi pour son 5ème mandat à 71 ans, fier de la réforme constitutionnelle de 2020 qui l’autorise à être encore candidat jusqu’en 2030. Vladimir Poutine a pris le parti du ton grave, se présentant comme toujours comme le porte flambeau de l’anti-Occident et d’une campagne électorale sans « show superflu ».
Un ton, en temps de guerre, aussi soutenu par les hauts fonctionnaires russes qui le présentent comme un homme providentiel : « Notre président n’a jamais fui et ne fuira jamais ses responsabilités. Aujourd’hui il l’a de nouveau prouvé. » a exprimé Valentina Matvienko, présidente de la Chambre haute du Parlement. Le porte-parole Dmitri Peskov a lui estimé que l’élection était « une bureaucratie coûteuse » et que cette « élection présidentielle n’était pas vraiment une démocratie » ou plutôt que selon son « avis personnel » Poutine serait réélu avec 90% des suffrages.
Pourtant, la veille de l’annonce de sa candidature, la Fondation anticorruption d’Alexeï Navalny – avocat et militant à la tête de l’opposition à Vladimir Poutine actuellement incarcéré – a trouvé un moyen d’appeler à voter contre ce candidat « si évident ». La stratégie : appeler à voter contre Vladimir Poutine en votant pour n’importe quel autre candidat. Les partisans de l’opposition ont placé des panneaux d’affichage un peu partout dans plusieurs grandes villes dont Moscou et Saint-Pétersbourg sur lesquels il est écrit « Russie » « Bonne année » ou encore « Tout va certainement s’arranger ». Un QR code géant placé à côté redirige vers le site La Russie sans Poutine. C’est l’annonce d’une contre campagne électorale selon L’Express qui présente l’élection comme un référendum sur l’approbation de la guerre en Ukraine et des choix militaires et politique du président en place Alors que Alexeï Navalny est toujours emprisonné à 250 km de Moscou, c’est une des opérations les plus importantes de la fondation fruit d’enquêtes d’opinion réalisée par l’ONG (fondation contre la corruption interdite par la Kremlin depuis 2021).
Sur la scène internationale, peu de doutes persistent sur le résultat de l’élection. Des élections donc qui deviendraient par la force des choses presque burlesques ou l’occasion de faire de l’ironie. En tout cas, c’est ce que John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, a lui suggéré : «Et bien, cela s’annonce comme une bataille épique, n’est ce pas ?. »
Accord européen pour l’encadrement de l’Intelligence Artificielle
« Historique ! L’Union européenne (UE) devient le premier continent à fixer des règles claires pour l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) », se réjouit Thierry Breton, commissaire européen en charge du marché intérieur. Il est à l’origine du projet d’encadrement de l’Intelligence Artificielle au sein de l’Union Européenne, discuté depuis 2021. Ses enjeux sont d’autant plus importants et pressants face à l’avènement de ChatGPT l’année dernière. Rapidement suivi par d’autres IA génératives, capables de créer des textes, des images, de la musique ou d’autres médias, cette technologie est devenue massivement accessible… Ce qui a révélé les risques qui y sont liés.
Ainsi ce vendredi 8 décembre, le Parlement européen et les Etats membres ont trouvé un accord. Ce dernier aura une portée contraignante et son contrôle sera effectué par l’Office Européen de l’IA rattaché à la Commission européenne. En cas de manquement au règlement, il pourra infliger des amendes pouvant aller jusqu’à 7% du chiffre d’affaires des entreprises, pour un plafond de 35 millions d’euros.
Concernant les IA génératives, les règles touchent à la conformité des algorithmes avec les législations déjà existantes notamment sur les droits d’auteur. Les modèles d’IA doivent présenter un résumé détaillé du contenu utilisé pour leur formation, préservant par ailleurs la transparence d’information.
L’IA Act entend également lutter contre la manipulation et la désinformation. Pour cela, les développeurs doivent veiller à ce que les médias produits soient bien identifiés comme artificiels. Enfin, les systèmes d’IA ne devront pas aller à l’encontre des valeurs européennes ; ainsi des services susceptibles d’influencer les élections, ou la notation citoyenne, seront interdits.
L’accord s’intéresse aussi aux systèmes dits “à hauts risques”, c’est-à-dire qui touchent à la santé, à la sécurité, aux droits fondamentaux, à la démocratie et au respect de la loi, ainsi qu’à l’environnement. Ceux-ci doivent obligatoirement procéder au préalable à une évaluation de l’impact sur les droits fondamentaux. De plus, tout citoyen pourra porter plainte contre une telle solution s’il juge qu’elle porte atteinte à ses droits.
Enfin, l’accord vise à limiter certaines pratiques sujettes à débat. En particulier l’identification biométrique (un processus de reconnaissance des individus basé sur des caractéristiques physiques ou comportementales uniques, telles que les empreintes digitales, l’iris, la rétine, ou la voix) soumise à un délicat équilibre entre sécurité et liberté. Elle sera donc autorisée, a posteriori, uniquement pour cibler des personnes suspectées d’avoir commis un crime grave. Cependant en temps réel, elles pourront servir à la fois pour suivre des victimes et des criminels supposés – d’une menace terroriste “précise et actuelle” par exemple, mais aussi contre des vols à mains armées, ou encore des “crimes contre l’environnement”.
Si l’IA Act pose un cadre aux fournisseurs d’IA, il ne veut pas trop freiner le développement des sociétés européennes pour concurrencer les acteurs étrangers, en particulier américains. “L’Union européenne a apporté des contributions impressionnantes au monde ; l’IA Act en est une autre qui aura un impact significatif sur notre avenir numérique”, se félicite le co-rapporteur Dragos Tudorache… Cependant d’autres, tel que le directeur de la CCIA (Computer and Communication Industry Association) Daniel Friedlaender, craignent que la rapidité n’ait primé sur la qualité de cet accord.
Le gouvernement allemand condamné pour inaction climatique :
C’est un revers pour le gouvernement d’Olaf Scholz : jeudi 30 novembre, la Cour administrative de Berlin-Brandebourg, saisie par des ONG allemandes l’a condamné pour inaction face au réchauffement climatique. La justice allemande a contraint le chancelier Olaf Scholz et ses ministres à prendre des mesures d’urgence. Annoncée le même jour que le lancement de la COP28, cette décision laisse un goût amer au gouvernement…
Les domaines visés sont le transport et le bâtiment, responsables à eux deux de 50% des émissions de CO2 du pays. « Le tribunal a dit clairement que le gouvernement doit respecter ses propres objectifs climatiques », a déclaré Antje von Broock, porte-parole de Bund, l’une des ONG qui s’est saisie de l’affaire. La législation allemande sur la protection du climat prévoit un maximum d’émissions de CO2 autorisées pour chaque secteur. Dans le cas où ces plafonds seraient dépassés, les ministères concernés doivent soumettre un programme d’urgence pour en réduire les volumes. Or, dans les secteurs épinglés par les associations écologistes, les niveaux de CO2 ont été largement supérieurs aux émissions autorisées, avec 3,1 millions de tonnes de gaz à effet de serre dépassés dans le secteur des transports, et 2,5 millions de tonnes dans le bâtiment, selon des chiffres officiels.
Les associations, qui estiment que les moyens mis en place n’ont pas suffi, demandent la mise en place de mesures concrètes. La Cour a estimé qu’un “programme d’urgence” doit contenir “des mesures efficaces à court terme” dans “le secteur concerné“, et non un programme “multisectoriel et pluriannuel” comme la loi sur le climat de juin 2023 le prévoit. Ce n’est pas la première fois que la plus haute instance juridique allemande donne raison aux associations écologistes, avec déjà en 2021 un jugement qui avait obligé le gouvernement d’Angela Merkel a adopté une loi plus ambitieuse.
L’Allemagne prévoit désormais de réduire de 65% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990, contre 55% auparavant, puis de 88% d’ici 2040, avec la volonté d’atteindre la neutralité carbone en 2045, cinq ans plus tôt que prévu.