Que s’est-il passé en Europe cette semaine? (du 2 au 8 janvier)

Articles par Shana De Sousa et Jeremy Balouka

 

La Croatie rejoint l’espace Schengen et la zone euro

Près de dix ans après son entrée au sein de l’Union européenne, la Croatie a rejoint ce dimanche 1er janvier 2023 l’espace Schengen et a remplacé sa monnaie, la kuna, pour devenir le vingtième membre de la zone euro. La Commission européenne a donné son feu vert à l’adoption de l’euro par ce pays d’Europe centrale dans son rapport de convergence publié en juin 2022,  au sein duquel elle a considéré que la Croatie respectait les quatre critères de convergence et que sa législation était compatible aux exigences des statuts de la BCE et du SEBC.

Il s’agit d’un véritable succès économique et politique pour cet Etat de plus de 3,9 millions d’habitants, encore en guerre de 1990 à 1995. D’après le représentant de l’Union à Zagreb, Ognian Zlatev, il s’agit d’ « une accession réussie à la vitesse d’une fusée, seulement dix ans après être devenu membre de l’Union européenne ».

Selon les experts, l’adhésion de la Croatie à la zone euro devrait renforcer l’économie croate, l’une des plus faibles de l’Union, ainsi qu’améliorer le climat d’investissement en sus de rendre le pays plus résilient face aux chocs extérieurs, dans un contexte de flambée de l’inflation, de crise énergétique sévère et de crise géopolitique mondiale. En outre, l’adhésion au sein de l’espace Schengen devrait encourager le tourisme ; en contrepartie, la Croatie se doit d’engager une coopération avec ses voisins européens face au terrorisme et aux crimes organisés, ainsi que d’opérer un contrôle rigoureux des frontières extérieures de cet espace, afin de faire face à l’immigration illégale, défi demeurant  majeur pour l’Union.

 

La Suède assure la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne

La Suède a pris ce 1er janvier les commandes de la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, remplaçant la République Tchèque.

Le trio France/ République-Tchèque/ Suède a déterminé en décembre 2021 son programme commun du premier semestre 2022 au 30 juin 2023. Le Premier ministre suédois Ulf Kristersson a dès lors rappelé en décembre dernier les priorités de Stockholm pour cette présidence, se focalisant sur les thématiques de sécurité, de transition écologique, de compétitivité, de valeurs démocratiques et de respect de l’Etat de droit. Il a en outre déclaré que : « la présidence de la Suède va commencer à un moment où l’Union européenne est confrontée à des défis sans précédent. Une Europe plus verte, plus sûre et plus libre est au cœur de nos priorités ». De surcroît, l’invasion russe en Ukraine demeurera une priorité pour la présidence suédoise du Conseil, qui a assuré de l’unité des 27 et de la pérennité du soutien économique, politique et militaire de l’Union à l’Ukraine face à la Russie.

Membre de l’Union européenne depuis le 1er janvier 1995 et ayant déjà assuré la présidence du Conseil en 2001 et en 2009, les experts ont fait part d’inquiétudes quant à la réalité politique suédoise du fait que la coalition de centre-droit au pouvoir gouverne avec le soutien des Démocrates de Suède, parti nationalpopuliste eurosceptiques et anti-immigration, qui pourrait avoir une influence sur les débats et peser sur les travaux de l’Union, notamment sur les sujets liés à l’immigration, au climat et à la préservation de l’environnement. Le chef du parti des Démocrates de Suède, Jimmie Åkesson, avait notamment déclaré qu’il n’existait aucune preuve scientifique d’une crise climatique.

La Suède, non-membre de la zone euro, conserve aujourd’hui un rapport relativement distant avec Bruxelles : Stockholm est avant tout préoccupé par ses intérêts propres et n’a pas de réel grand projet politique européen. Ainsi, d’après Sébastien Maillard, directeur de l’Institut Jacques Delors, la présidence suédoise « accomplira son devoir » sans pour autant avoir de réel rôle d’impulsion.

 

La poudrière des Balkans

Le Kosovo est une ancienne province serbe dont l’indépendance proclamée en 2008, une décennie après la guerre meurtrière entre forces serbes et rebelles albanais, n’a jamais été reconnue par Belgrade. Cependant, elle est majoritairement peuplée d’Albanais (65,8%), les serbo-croates étant minoritaires (26%). Les tensions montent régulièrement entre ces deux peuples, et chaque prétexte est bon pour entrer dans le rapport de force, poussé d’un côté par l’Albanie qui désire intégrer ce territoire à sa zone d’influence et de l’autre par la Serbie qui souhaite conserver la main mise sur cette province ; et les dernières semaines de 2022 n’ont pas fait défaut.

Depuis le 10 décembre 2022, la population serbe située au nord du Kosovo et soutenue par Belgrade, avait mis en place de nombreuses barricades à Mitrovica et dans ses environs et ouvert le feu contre la police kosovare et les casques bleus, pour réclamer la libération de Dejan Pantić, un ancien policier serbe accusé d’avoir agressé d’autres policiers en service lors de précédentes manifestations ; le parquet de Pristina finit par accepter ces revendications. Le mercredi 28 décembre 2022, le président serbe Aleksandar Vučić a annoncé que les barricades érigées seraient levées, après l’appel de l’Union européenne et de Washington à un apaisement.

Mais vendredi 6 janvier, deux jeunes hommes, vraisemblablement serbes, ont été blessés par balle par un membre des Forces de sécurité du Kosovo, dont l’identité reste confidentielle. Immédiatement, des Serbes de la zone ont bloqué la circulation d’une route régionale. Les tensions restent vives, alors même que le démantèlement des barrières n’est pas achevé.

La situation est complexe pour le Kosovo qui a officiellement demandé le 15 décembre l’adhésion à l’Union européenne, mais dont l’indépendance n’est pas reconnue par six de ses Etats membres. L’apaisement des tensions avec la Serbie est la condition minimale pour commencer officiellement les négociations.

Vers une meilleure coordination des politiques européennes : le cas de l’accord trouvé sur les voyageurs venant de Chine 

L’explosion des contaminations au Covid-19 en Chine ont conduit les Européens à trouver un accord mercredi 4 janvier 2023, qui a pour objectif de coordonner leur politique concernant les voyageurs venant de Chine.

Cependant, cet accord reste libre d’interprétation et il revient à chaque Etat membre de décider s’il se conformera aux recommandations des experts. Parmi ces recommandations, il est vivement conseillé d’imposer aux voyageurs venant de Chine un test négatif datant de moins de 48h, le port du masque obligatoire, des tests aléatoires et d’analyser les eaux usées des avions en provenance de Chine.

Cette décision commune intervient après que certains Etats membres, en particulier la France, l’Espagne et l’Italie, aient décidé d’appliquer des mesures similaires à l’échelle nationale. L’accord a été trouvé lors d’une réunion de l’ICPR (Integrated Political Crisis Response arrangements), le dispositif du Conseil pour une réaction dans les situations de crise. L’ICPR, né en 2013, permet de relier les cellules de crise des Etats membres entre elles, afin de coordonner les politiques nationales et de dialoguer sur les affaires urgentes. Son utilisation fut laborieuse dans les premiers temps de la Covid. Mais ce mécanisme modulaire a plus d’une fois fait ses preuves, et le fait que toutes ces mesures soient prises en dépit des menaces de Pékin, qui invoque pourtant le principe de réciprocité, illustre bien la création d’un véritable dialogue et consensus européen, y compris dans les situations de crise.

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