Que s’est-il passé en Europe cette semaine? (Du 17 au 23 Avril)

Articles par Shana De Sousa et Jérémy Balouka.

Les gouvernements hongrois, polonais et slovaque suspendent les importations de grains ukrainiens

Les gouvernements hongrois, polonais et slovaque ont annoncé ce samedi 15 et ce lundi 17 avril qu’ils avaient temporairement interdit l’importation de céréales et d’autres produits agricoles en provenance d’Ukraine. La Hongrie, la Pologne et la Slovaquie ont justifié cette mesure en affirmant que ces importations perturbaient leur marché agricole national et qu’il était essentiel de protéger les agriculteurs locaux. La Bulgarie a en outre suggéré qu’elle pourrait prendre des mesures similaires à l’avenir.

L’Ukraine est l’un des plus importants exportateurs de grains et fournisseurs de céréales pour de nombreux pays du monde ; l’invasion russe du pays a cependant perturbé les flux commerciaux ukrainiens. Dans l’optique d’aider Kiev à exporter ses stocks de céréales après la fermeture des routes maritimes par la mer Noire, l’Union européenne a décidé il y a près d’un an de suspendre les droits de douane sur tous les produits importés d’Ukraine pour une durée d’un an. Cette mesure a dès lors entraîné une forte augmentation des importations de maïs, de blé et de tournesol en provenance d’Ukraine, ainsi qu’une saturation des silos et une baisse des prix au sein des Etats-membres de l’Union. En outre, en 2022, la valeur des importations européennes de produits agricoles ukrainiens a augmenté de 88% par rapport à l’année précédente : or, en raison de problèmes logistiques, les stocks de grains se sont accumulés sur le continent, notamment en Pologne, ce qui a conduit à une chute des revenus des agriculteurs dans un certain nombre de pays de l’Union, face à l’afflux de produits à bas coût.

Le 20 mars dernier, Bruxelles a proposé de puiser près de 56 millions d’euros dans la réserve de crise agricole européenne pour aider les producteurs et cultivateurs polonais, roumains et bulgares. Or, ces compensations ont été jugées insuffisantes par certains États membres, notamment la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie, la Roumanie et la Bulgarie, pays les plus affectés par l’accumulation de grains, et qui réclament une aide supplémentaire.

La Commission européenne a dénoncé la décision de la Hongrie, de la Pologne et de la Slovaquie d’interdire temporairement les importations de céréales et d’autres produits agricoles en provenance d’Ukraine, et envisage d’évaluer les fondements juridiques d’une telle mesure. La porte-parole de la Commission pour le commerce et l’agriculture, Miriam Garcia Ferrer, a déclaré ce lundi 17 avril que : « la politique commerciale relève de la compétence exclusive de l’UE et que les actions unilatérales ne sont pas acceptables ». La Commission prévoit en outre un second paquet d’aides pour aider les agriculteurs touchés par la saturation des stocks et la chute des prix des produits agricoles.

 

L’Union européenne renforce sa réglementation sur les cryptomonnaies avec l’adoption du règlement MICA

Les parlementaires européens ont massivement voté ce jeudi 20 avril en faveur d’un ensemble de réglementations visant à encadrer les cryptomonnaies, en réponse aux préoccupations croissantes concernant le manque de contrôle dans ce secteur en pleine expansion. Le règlement dit MICA (Markets in Cryptoassets) a été adopté dans ce contexte et vise à réglementer l’industrie des cryptomonnaies afin de prévenir le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et de protéger les consommateurs.

Les transferts de cryptoactifs tels que le Bitcoin n’étaient jusqu’alors pas réglementés par la législation européenne sur les services financiers, permettant aux pirates informatiques, aux fraudeurs et aux réseaux criminels internationaux de profiter de l’absence de réglementation européenne, causant des pertes à de nombreux investisseurs en cryptomonnaies. L’objectif de ces règles est de mettre en place un cadre juridique harmonisé pour les marchés de cryptoactifs au sein de l’Union européenne.

La nouvelle réglementation sur les cryptomonnaies inclura ainsi désormais la « Travel Rule », déjà appliquée dans les services financiers traditionnels. Les prestataires de services de cryptomonnaies devront également s’enregistrer et fournir des informations sur l’identité de leurs clients et les transactions à l’institution financière destinataire pour pouvoir opérer au sein de l’espace européen. Cette mesure devrait renforcer la protection des consommateurs et garantir la transparence et la surveillance des marchés pour éviter la manipulation. En outre, la réglementation visera à réduire l’empreinte carbone élevée des cryptomonnaies en obligeant les plus gros fournisseurs de services financiers à divulguer publiquement leur consommation totale d’énergie.

Ces règles doivent encore être formellement approuvées par le Conseil européen, mais certaines voix appellent à une réglementation encore plus stricte des cryptomonnaies. La présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, a d’ores et déjà appelé à l’adoption d’une deuxième réglementation.

 

Le pacte européen sur la migration et l’asile validé par le Parlement, entre Europe solidaire et Europe forteresse.

La question de la politique migratoire en Europe s’est posée avec insistance à la suite des printemps arabes de 2011, pour en devenir une urgence en 2015, année lors de laquelle plus de 1,2 million de migrants ont demandé l’asile en Europe. En 2021, la question migratoire se transforme en crise politique à la suite de l’amassement par le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, de milliers de migrants à la frontière polonaise. Enfin, la guerre en Ukraine entraîneentraine un déplacement en Union européenne de plus de 8 millions d’exilés depuis février 2022.

La politique migratoire européenne commence réellement en 1990, avecpar la Convention de Dublin, qui fixe les critères relatifs au pays compétent pour traiter les demandes d’asile et empêche les exilés d’envoyer des demandes dans plusieurs États membres. Parmi les critères fondateurs de la Convention de Dublin, on peut citer que le demandeur d’asile doit effectuer sa demande dans le premier Etat où il est arrivé, ou éventuellement celui avec lequel il a le plus de liens, familiaux notamment. La Convention entre dans le droit de l’Union européenne par le règlement de Dublin de 2003, aussi appelé Dublin II, et se voit réformé en 2013 pour devenir le règlement Dublin III, plus stricte contre la lutte du phénomène « d’asylum shopping ». Le règlement Dublin III rappelle le fait que le pays de l’UnionE dans lequel a été formulée la demande d’asile est celui qui est chargé de son instruction et de la décision finale.

L’afflux de migrants aux frontières est et sud ont provoqué un important débat à la fois sur les capacités d’accueil des premiers pays d’UE traversés, à savoir les pays méditerranéens (Italie, Grèce, Espagne, Malte) et les pays du groupe de Visegrad (Pologne, Tchéquie, Slovaquie et Hongrie) et sur la redistribution des migrants dans les États membres pour équilibrer l’effort d’accueil. Les règlements de Dublin font reposer de fait la charge migratoire sur les premiers pays traversés par les exilés.

Pour répondre à ce sujet de dissensions et au drame humain qu’a représenté l’incendie du camp de Moria en Grèce, la Commission Ursula Von der Leyen propose en 2020 le Pacte européen sur la migration et l’asile, qui remplacerait le système de Dublin. Les textes du pacte, trois règlements et deux amendements, s’articulent autour de trois axes principaux : le renforcement des frontières extérieures, un partage plus équitable des responsabilités et de la solidarité, et le renforcement de la coopération avec les pays tiers. Ce pacte a été validé en première lecture par le Parlement européen jeudi 20 avril 2023. La Procédure Législative Ordinaire, autrefois appelée codécision, est de mise pour la conduite des affaires migratoires dans les instances de l’Union depuis le traité de Lisbonne, et donc, il faut désormais que ce texte soit approuvé au Conseil des ministres pour faire office de loi.

 

Les lois hongroises restrictives envers les LGBT invectivées par le Premier ministre luxembourgeois.

Depuis 2010, Viktor Orban est à la tête de la Hongrie, grâce à la victoire continue de son parti, le Fidesz, aux élections législatives. Peu après son retour et puisqu’il détient les deux tiers des sièges au Parlement, il change la Constitution hongroise, appelée Loi fondamentale de la Hongrie (Magyarország alaptörvénye) en 2011. Elle entre en vigueur le 1er janvier 2012 avec 11% de participation après avoir été validée uniquement par le Fidesz-Union civique hongroise. Entre autres mesures restrictives et conservatrices, elle définit l’institution du mariage en tant qu’union de vie entre un homme et une femme, empêchant ainsi de légiférer pour autoriser le mariage gay (art. L/1).

Le 15 juin 2021, la Hongrie se dote en juin 2021 d’une loi interdisant « la représentation ou la promotion » de l’homosexualité et du changement de sexe auprès des mineurs. La loi est interprétée très largement pour servir les tentatives de répressions du régime d’Orban, contraignant la communauté LGBT au silence et à la discrétion, sous peine d’être battue ou enfermée. Elle bannie toute représentation dans les médias ou les programmes scolaires d’éléments qui « propagent l’homosexualité ».

Ce texte a suscité des réactions indignées, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen parlant de « honte ». L’exécutif européen a ouvert une procédure d’infraction contre la Hongrie, soutenue par une coalition inédite d’Etats membres et d’institutions européenne, qui a conduit à une saisine par la Cour de justice de l’UE en décembre 2022, sous prétexte que cette loi viole à la fois l’article 2 du Traité fondamental sur l’Union européenne à propos du respect des droits humains et la non-discrimination et la Charte des droits fondamentaux de l’UE.

Lors de son discours devant le Parlement européen mercredi 19 avril, le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel dénonce la dérive illibérale d’Orban et plus précisément la loi anti-LGBT, appelée officiellement loi pour la protection de l’enfance. Il ajoute, « Jj’ai honte que certains collègues veulent gagner des voix contre les minorités, cela a déjà commencé comme ça dans notre histoire ». La dérive d’Orban a déjà valu à ses homologues de se poser la question si la Hongrie ne ferait pas mieux d’imiter le Royaume-Uni et sortir de l’Europe si elle ne partage pas ces valeurs. La Hongrie n’a “plus rien à faire dans l’Union européenne (UE)”, avait estimé, jeudi 24 juin 2022, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte. 

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